Comment se déroule le processus d’une plainte disciplinaire déposée au Québec contre un professionnel, appartenant à un ordre professionnel?
Droit disciplinaire, déontologie et responsabilité professionnelle
Au Québec, 46 ordres professionnels réglementent la profession de plus de 385 000 membres, tous soumis au Code des professions. Chaque ordre professionnel s’est doté d’un code de déontologie, qui prévoit la conduite et les obligations de chaque membres. Certains ordres sont aussi réglementé par une loi, qui leur est propre. Le but premier de chacun des 46 ordres est de protéger le public.
Le dépôt d’une plainte auprès du syndic de l’ordre professionnel
Toute personne estimant qu’un membre d’un ordre professionnel a contrevenu à son code de déontologie ou qu’il a enfreint une autre disposition encadrant l’exercice de sa profession, peut demander, par écrit, au syndic de l’ordre dont le professionnel est membre, de procéder à une enquête contre ce membre.
Vous trouverez les coordonnées de l’ensemble des ordres professionnels au Québec, en cliquant ici.
C’est au syndic de chaque ordre professionnel, qu’il incombe le devoir de procéder à une enquête approfondie de chacun des signalements déposés.
Le syndic de l’ordre est un membre de cet ordre professionnel, qui dispose d’une immunité contre toute poursuite en justice en raison des actes accomplis de bonne foi dans l’exercice de ses fonctions.
Suite à la réception du signalement, le syndic de l’ordre dispose dès lors de trois options possibles pour l’issue de sa décision.
1. S’il estime que cette plainte peut être rattachée à une infraction aux règles régissant cette profession, il lui appartient de déposer une plainte en son nom propre en sa qualité de syndic de l’Ordre professionnel, auprès du Conseil de discipline.
2. Le syndic de l’ordre peut décider de transmettre une demande au Comité d'inspection professionnelle pour qu’une vérification des pratiques du professionnel en question soient vérifiées.
3. Le syndic de l’ordre peut aussi décider ne pas porter plainte, s’il estime que les faits reprochés ne sont pas susceptibles de constituer une infraction au regard des règles de la profession. Dans ce cas, la personne ayant signalé les faits, peut demander la révision de cette décision devant le Comité de révision de l’ordre professionnel en question. Cette personne peut aussi choisir de porter une plainte privée elle-même en son nom propre. À l’instar du syndic de l’ordre, dans le cadre d’une plainte privée, la personne plaignante doit divulguer sa preuve au complet, faire la démonstration de l’existence d’une faute disciplinaire et convaincre le Conseil de discipline de la culpabilité du membre. La personne, qui dépose une plainte privée, a l’obligation, comme le syndic professionnel, de divulguer toute sa preuve, « tant inculpatoires que disculpatoires », dont elle a elle-même connaissance.
Concernant l’enquête du syndic de l’ordre, l’article 128 du Code des professions prévoit qu’il « doit (…) porter contre un professionnel toute plainte qui paraît justifiée; il peut aussi, de sa propre initiative, agir à cet égard. »
S’il dépose plainte, le syndic de l’ordre devra selon le code des professions le faire par écrit, appuyée d’une déclaration assermentée du plaignant en précisant sommairement la nature, les circonstances de temps et de lieu de l'infraction reprochée au professionnel (art. 127 et 129 du code des professions).
Le déroulement de l’instance devant le conseil de discipline.
Convocation devant le Conseil de discipline
Le secrétaire du conseil de discipline fait signifier la plainte au professionnel concerné par voie d’huissier. La plainte est entendue par le conseil de discipline (art. 116 et 117 code des professions). Le conseil de discipline de l’ordre a l’obligation de garantir au professionnel concerné une défense pleine et entière, soit le fait d’être représenté par avocat et d’avoir accès l’ensemble de la preuve se rapportant aux faits reprochés, qui font l’objet de la plainte disciplinaire.
Il appartient au syndic de l’ordre professionnel de prouver la culpabilité du professionnel selon la prépondérance de preuve, c’est à dire que la probabilité de sa culpabilité est plus forte que son innocence. Il appartient au conseil de discipline de l’ordre d’estimer la valeur probante des témoignages et des pièces soumises lors de l’audience du conseil de discipline. La Cour d’appel rappelle régulièrement que cette preuve doit « claire, convaincante et de haute qualité » pour conclure à la culpabilité du professionnel.
Le Conseil de discipline de l’ordre peut déclarer coupable le professionnel en question, ou bien il peut lui-même plaider coupable à l’infraction reprochée, ou encore le Conseil de discipline peut rejeter la plainte du syndic de l’ordre.
La décision du Conseil de discipline sur la sanction
Le conseil de discipline devra au cours d’une autre audition disposer de la sanction qui devra être imposée au professionnel fautif. La fourchette des sanctions comprend entre autre la simple réprimande, l’amende ou encore à la radiation temporaire ou permanente du tableau de l’ordre professionnel.
Afin de déterminer la sanction adéquate, le conseil de discipline doit trouver l’équilibre entre la gravité de l’infraction, les éventuels antécédents inscrits au dossier disciplinaire, les circonstances atténuantes et les circonstances aggravantes.
Fréquemment, le professionnel incriminé et le syndic de l’ordre soumettent une recommandation commune de sanction. La décision finale appartient au Conseil de discipline de l’ordre, qui doit toutefois tenir compte de cette recommandation dans son jugement.
Appel et révision judiciaire
Une décision rendue par le Conseil de discipline «ordonnant une radiation provisoire ou une limitation provisoire du droit d'exercer des activités professionnelles, accueillant ou rejetant une plainte, ou imposant une sanction» peut faire l’objet d’un appel devant le Tribunal des professions (art. 164 c.prof.). Le Tribunal des professions peut alors «confirmer, modifier ou infirmer toute décision qui lui est soumise et rendre la décision qui, à son jugement, aurait dû être rendue en premier lieu. » art 175 c. prof. Le syndic ou le professionnel condamné peut demander une révision judiciaire de cette décision devant la Cour supérieure, dont le jugement pourra lui-même faire l’objet d’un appel devant la Cour d’appel.