Un comptable commet-il un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de sa profession en produisant illégalement du cannabis?
Un comptable commet-il un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de sa profession en produisant illégalement du cannabis?
La Cour d’appel nous répond à cette question dans l’arrêt du 23 février 2016, Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Hamel, 2016 QCTP 10 (CanLII).
Dans le cadre d’un dossier criminel, le comptable avait plaidé coupable au chef d’infraction de production de cannabis. Le syndic de l’ordre des comptable estimant que ces plaidoyers de culpabilité enregistrés par le comptable dans son dossier criminel, étaient suffisants pour qualifier ces actes comme dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession en vertu de l'article 59.2 du Code des professions, qui dispose qu « Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l'ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l'honneur, la dignité ou l'exercice de sa profession. »
Le syndic avait donc décidé d'engager une enquête disciplinaire à l’encontre du comptable. En première instance, le Conseil de discipline a estimé que le syndic n’avait pas rencontré son fardeau de preuve, car il n’avait pas réussi à établir que:
« 1) le comptable était membre de l’Ordre lors de la commission de l’infraction;
2) il exerçait ladite activité;
3) cette activité était incompatible avec l’exercice de la profession ».
Rappelons qu’en matière de droit disciplinaire, « C’est par exception que l’instance disciplinaire possède le pouvoir de juger des actes qui ne sont pas reliés à l’exercice de la profession. Le droit de prendre des mesures disciplinaires en rapport avec des actes extraprofessionnels complète donc au Comité de discipline lorsqu’il s’agit d’actes qui sont susceptibles de mettre sérieusement en doute la moralité d’un membre de la profession, ces actes étant alors considérés comme dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession. » (1)
Le syndic de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec avait donc décidé de faire appel de cette décision rendue par le Conseil de discipline. La Cour d’appel est venu rappeler que « Bien qu’un plaidoyer de culpabilité ne soit pas un aveu judiciaire, mais plutôt un aveu extrajudiciaire, cette preuve, en l’absence de preuve contraire, permettait au Conseil de conclure que les actes reprochés ont été commis par l’intimé (le comptable) En omettant de considérer l’effet de cette preuve, le Conseil a commis une erreur de droit justifiant l’intervention » de la Cour d’appel.
De plus, à défaut de preuve contraire produite lors de l’audition devant le Conseil de discipline de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, à qui revenait d’apprécier la force probante des plaidoyers de culpabilité, la Cour d’appel a retenu que le Conseil de discipline « se devait de considérer » que le comptable avait commis les infractions de production de cannabis.
Selon la Cour d’appel, l’activité de production de cannabis, bien que commise en dehors de la profession de comptable. entache la probité du professionnel et par la-même l’ensemble de la profession, qui doit selon elle « comporter un haut standard de rectitude morale puisque la confiance du public repose sur cette exigence. »
La Cour d’appel en arrive à la conclusion « qu’un professionnel porte atteinte à la dignité de la profession lorsqu’il compromet la confiance du public envers lui ou sa profession. Cette confiance est susceptible d’être entachée, non seulement par des gestes posés dans la vie professionnelle, mais par des actes de la vie privée qui peuvent faire douter de la moralité du professionnel. ».
Par conséquent, la Cour d’appel infirme la décision du conseil de discipline, pour erreur manifeste et dominante dans son appréciation et déclare coupable le comptable d’avoir commis un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession, contrairement à l’article 59.2 C. Prof et retourne le dossier devant le Conseil de discipline des comptables professionnels agréés du Québec pour audition sur sanction.
1) Tribunal des professions – Comptables généraux licenciés – 1, [1980] D.D.C.P. 295.